Début 1796, une rébellion royaliste fut menée à l’encontre des autorités révolutionnaires dans le Sancerrois. A la tête de l’ « Armée Catholique et Royale du Sancerrois » avait été placé un jeune officier d’artillerie, Louis Edmond Le Picard de Phélippeaux, et cette action se situait dans la mouvance des chouanneries qui sévissaient dans l’Ouest de la France. Son but était de contribuer au retour de la Monarchie Française, en établissant sur le Trône Louis XVIII (ce sera chose faite en 1815 après la chute de Napoléon).
Si Phélippeaux fut le chef militaire de cette rébellion, le personnage qui nous est le plus connu est sans contestation l’Abbé Antoine Buchet, curé de Jalognes et prêtre réfractaire (ayant refusé de prêter serment devant les Révolutionnaires).
L’armée de Phélippeaux comptait environ 1500 hommes, dont 900 du pays ; les autres étaient venus en renfort de l’Orléanais et de Vendée. En face, les troupes du général « bleu » Desenfans (révolutionnaire), bien armées, étaient fortes de 2500 militaires de terrain.
Les "Amis de La Vendée Sancerroïse" firent ériger à la sortie de Sancerre, sir la route de Bourges, une croix dont le socle porte l'inscription suivante, surmontée d'une fleur de lys :
2 avril 1796
L'adjudant général
LE PICARD de PHELIPPEAUX
chef de l'armée
catholique et royale
s'empare de Sancerre
Le 12 avril Combat de Sens-Beaujeu
L'abbé Buchet
curé de Jalognes,
aumônier volontaire
des troupes royales,
en secourant des adversaires, meurt en martyr.
En 1966
En mémoire de sa fidélité et de celle de ses compagnons,
ce monument a été élevé
par le « Souvenir Sancerrois »,
héritier de la même volonté,
de la même foi et des mêmes espérances.
Il est surmonté d'une croix portant un cœur en son centre. Le Cardinal Joseph Lefebvre, archevêque de Bourges, ayant, pour sa part, demandé aux membres du clergé de son diocèse de ne pas donner cette bénédiction, cette dernière fut donnée par un prêtre d'un autre diocèse.
En mars 1796, les troupes royalistes sont cantonnées dans Sancerre. Un soulèvement général est initialement prévu pour le 15 avril. Les chefs de la rébellion se cachaient, eux, dans les bois de Jars, alors que des dépôts de munitions avaient été approvisionnés dans des fermes de ce secteur.
Un soldat bleu du nom de Chigot et se disant déserteur vînt s'engager dans les troupes rebelles. En réalité, il s'agissait d'un espion envoyé par le général républicain Desenfans. Une fois connu l’itinéraire des trois colonnes devant rejoindre Jars, il rejoindra le dit Desenfans pour le mettre au courant de la marche des troupes de Phélippeaux ; c'est ce qui permettra aux Bleus de tendre le guet-apens de Sens-Beaujeu.
Le monument érigé à Sancerre est surmonté de cette croix fleurdelisée.
A noter que la famille de l'Abbé Buchet, toujours présente dans le secteur, n'a pas été jugée digne d'être conviée à la cérémonie de bénédiction.
Peut-être ne sont-ils pas assez catholiques, ou suspectés de complicités révolutionnaires, comme le Cardinal Joseph Lefebvre...
C'est le 11 avril au soir que l'armée de Phélippeaux, forte d'environ 1.300 hommes, quitta Sancerre qu'elle occupait depuis le 2 avril. Elle fut divisée en trois colonnes qui, par trois routes différentes, devaient gagner le lieu du rendez-vous. La moins forte de ces colonnes devait passer par le bourg de Sens-Beaujeu. Elle comprenait environ deux cents hommes qui escortaient les voitures de munitions et de vivres. Les deux autres devaient rejoindre Jars par des routes différentes.
L'église de Sens-Beaujeu vers 1910.
Le mardi 12 avril 1796, à trois heures trente du matin que l’ armée royaliste entra dans Sens-Beaujeu. Immédiatement, le tir des Bleus se déchaîna et un combat d'une extrême violence commença qui se poursuivit jusqu'à huit heures du matin.
C'est durant cette bataille que périt, sous les balles des troupes de Desenfans, l'aumônier de l'armée catholique et royale, l'abbé Buchet, en allant porter le dernier sacrement aux morts et mourants de la bataille. Les rebelles royalistes furent, soit tués sur place comme l’Abbé Buchet, soit pris plus tard dans la journée dans les environs, et massacrés. Suite à cette tragédie, de nombreux interrogatoires eurent lieu dans les bourgs des environs, parfois suivis d’exactions.
Sur la place de Sens-Beaujeu, entre l'église et la fontaine, se dresse cette modeste croix en la mémoire de l'Abbé Buchet.
Ni coeur, ni Fleur de Lys, même pas d'inscription, mais des proportions beaucoup plus harmonieuses que son homologue sancerroise...
Il se dit aussi que le « trésor de guerre » des Royalistes fut caché dans un moulin proche de Neuilly en Sancerre, où il se trouve peut-être toujours, son dépositaire ayant entre-temps été tué. Le meunier fut ainsi assassiné le 11 janvier 1800 par des inconnus qui repartir sans avoir trouvé ce qu’ils cherchaient…
Phélippeaux mourut d’insolation en 1799 à St-Jean d’Acre (Syrie), après avoir contribué à l’arrêt des armées napoléoniennes devant cette ville.