Hier soir, à l’heure des « jités » de la Une et de la Deux, souhaitant voir autre chose que la rediffusion des infos de midi, je bascule sur Arte ; « 360° Géo ».
A première vue, le paysage semble bien de chez nous ; vallonné et reposant, il offre une alternance de cultures parsemées de beaux chênes isolés (chez nous, ils ont tendance à disparaître…) et de parcelles de bois de feuillus.
Puis entrent en scène deux hommes, torse nu, noircis par la poussière, qui brassent du charbon de bois à la pelle (à main) autour d’une immense meule. Je tente d’identifier la langue qu’ils parlent ; au premier abord, on dirait de l’Espagnol. Leurs conditions de travail et de vie me paraissent bien en-deçà de ce qu’on s’attend à trouver en Espagne, même en pleine crise économique. Ils expliquent qu’ils font ce travail tout l’été, et jusqu’en Novembre, ce qui exclut derechef un pays de l’hémisphère Sud comme l’Argentine, où cette époque correspond à l’hiver.
En prêtant plus attention à leur conversation, il semble que leur parler a aussi des intonations slaves ; sommes-nous en Bosnie ou en Albanie ? Puis on découvre leurs misérables habitations : une roulotte et une cabane de bois, plantées au plus près des meules. L’épouse de l’un des deux hommes s’affaire aux tâches ménagères, sans eau ni électricité, et s’occupe de quelques bestiaux : vaches, poules et cochons. Le mystère s’épaissit, car les Bosniaques et Albanais sont musulmans et ne mangent pas de porc… Leur seule distraction : une minuscule télévision qu’ils branchent sur la batterie de leur tracteur antédiluvien.
Finalement, le commentateur lève le voile : nous sommes en Roumanie ! En fait, nous assistons à la fabrication de l’essentiel du charbon de bois qui sera vendu dans nos supermarchés pour les barbecues des belles journées d’été. Les chiffres tombent : ces miséreux touchent 600 Euros pour une meule qui produira 20 tonnes de charbon de bois. Construire, surveiller la combustion, puis défaire la meule et enfin tamiser le charbon avant de le mettre en sacs, le tout à la main, leur prendra un mois. 200€ par personne pour le mois (ils sont trois) pour des journées harassantes dans des conditions d’hygiène plus que déplorables, 7 jours sur 7, et avec la poussière plein les poumons…
Ce charbon leur est acheté 30€ la tonne par leur patron-exploiteur, qui le revend (sans se salir les mains) presto-illico à un grossiste, dix fois plus cher (300€ la tonne) en pleurnichant qu'à ce prix-là il perd de l'argent. Chez nous, il sera vendu 12€ le sac de 8 kgs, soit 1500€ la tonne, c’est-à-dire 50 fois le prix qu’il a été acheté chez nos charbonniers d’un autre âge, travaillant sans salaire fixe, ni protection sociale !
Ah oui, j’oubliais : tout, depuis la production jusqu’à la consommation, se passe au sein de l’Union Européenne !