Le site de Vesvre rassemble trois principales époques matérialisées sur place par la Motte (IX-Xème siècles), la « Tour » (XIIème), et la ferme (XVIème). Il est probable que d’autres constructions aient existé, mais sont aujourd’hui disparues ; on en saura plus au fur et à mesure des recherches menées par les archéologues qui travaillent sous l’égide de Victorine Mataouchek (INRAP Orléans), mais il faudra être patient !
Voici pour commencer une proposition de restitution (travail de Denis Fargeot et Jean-Marie Tournefier) du site tel qu’il se présentait à son apogée, au XVIème siècle. La Motte, vraisemblablement abandonnée, est en-dehors de la vue, sur la gauche. Au premier plan, la ferme, alors toute neuve, en laquelle on entrait par la porte flanquée de deux tourelles. En arrière, passé le pont-levis qui enjambe les douves, la Tour à laquelle est adossée une construction récente, que nous appelons « le Manoir », dont j’avais déjà parlé sur le blog, et qui date vraisemblablement de l’extrême-fin du XVème siècle.
Passons progressivement au réel avec, dans un premier temps, une vue de 1884, prise du Sud-Ouest. Le manoir a vraisemblablement été bâti à l’initiative de Guillaume de Fontenay (1437-1516), alors Seigneur de Vesvre, pour y loger confortablement sa « petite » famille, qui comptait 17 enfants ayant atteint l’âge adulte, tous avec la même épouse, Philiberte Digoine (1448-1516). Le tas au premier plan est une meule de foin.
Puis une carte postale de 1900 environ, montrant qu’un appentis a été accolé à l’Ouest du manoir, à l’emplacement précédemment occupé par la meule de foin. Au premier plan, la tourelle de garde de l’angle Sud-Ouest de la plateforme de la Tour. Il n’en subsiste aujourd’hui que les fondations.
Nouvelle avancée dans le temps, avec deux vues des années 1960. Le bâtiment, inhabité depuis 1900, est à présent dans un état de délabrement avancé ; la toiture s’est effondrée, et les murs sont sérieusement fissurés. On remarque un détail intéressant : sous la toiture de la tourelle centrale (en haut à droite) dépassent deux corbeaux de pierre. Que soutenaient-ils ? On voit mal des latrines à l’aplomb d’une porte, ne fût-elle que de service… Alors, une bretèche destinée à protéger ladite porte ? De toutes façons, la tourelle devait comporter à l’origine un niveau supplémentaire.
Même époque avec, au premier plan, le puits. Même si les tableaux d’ouvertures sont un peu différents ils semblent tous accuser l’époque renaissance (fin XVème ou 1ère moitié du XVIème siècle). On voit bien les corbeaux mentionnés au-dessus. A droite, la face Ouest de la Tour, couverte de lierre.
Et voici ce qu’il en reste aujourd’hui ! Faute de temps, de moyens et à une époque où l’intérêt pour le patrimoine bâti en péril était moindre qu’aujourd’hui, les murs se sont écroulés les uns après les autres entre 1975 et 1983. On reconnaît l’escalier d’accès au RDC surélevé du Manoir ; à sa gauche, l’ouverture béante donnant sur les caves semi-enterrées…
Ces caves comportent deux travées communiquant par une porte aux voussures chanfreinées, très abîmée par les intempéries. L’accès depuis l’extérieur est à droite.
Ici, la seconde travée, éclairée au fond par une meurtrière donnant sur les douves côté Nord.
Selon un aveu notarié de 1683, le manoir comportait « une cave, deux cavereaux, une salle, une chambre, un lieu appelé le Trésor, attenans, une boullangerie et une cuisine attenans; cinq chambres haultes et les greniers dessus, le tout aussy couvert de thuille, avec quelques cabinets… ». Il est probable que la boulangerie et la cuisine se trouvaient de l’autre côté du pignon visible sur ce cliché, dans une partie que je vous présenterai lors d’un article à venir. En tous cas, voici ce qu’il reste de tout cela aujourd’hui… Les deux ouvertures superposées, à droite, permettaient de mettre le Manoir en communication avec la Tour par l’intermédiaire de bâtiments disparus il y a longtemps.
Détail du pignon Est du Manoir. On voit des corbeaux qui soutenaient les porte-solives des étages disparus, ainsi que d’anciens placards aménagés dans l’épaisseur du mur, comme il était de coutume à cette époque. Au-dessus des placards, un arc de décharge en briques est décalé, ce qui laisse à penser qu’il correspondait peut-être à une ouverture disparue avant la construction des placards. Juste au-dessus de cet arc se remarquent difficilement trois pierres taillées semblant faire partie d’un arc d’ouverture… Si seulement elles pouvaient avoir la parole !
Pour terminer, voici une vue virtuelle imaginée par nos deux amis "bâtisseurs virtuels" (et virtuoses...) du Manoir tel qu'il pouvait se présenter au début du XVIème siècle, animé par la petite famille De Fontenay...
Souhaitons tout de même que ces ruines fassent l’objet d’un programme de sauvegarde, car elles sont essentielles pour comprendre l’histoire extrêmement complexe de cette partie du site de Vesvre, sur laquelle je ne manquerai pas de revenir !