Il y a bien longtemps que mon entourage a perdu tout espoir de me voir prendre place à un quelconque repas de fête ou de famille et, en ce jour de Noël où nombre de mes concitoyens passent l’après-midi à table, j’ai pris l’habitude de prendre l’air. Cette fois, c’est sur les traces de mes ancêtres Ponnard et Des Paillards, maîtres-verriers, qu’un soleil éclatant m’a conduit. Nous sommes dans le Nivernais et plus précisément sur les communes de St-Benin des Bois et de Ste-Marie, deux minuscules villages perdus entre forêts et prés. Le circuit fait environ 6 kms, sans certitude de viabilité…
Ce chêne marque le carrefour de la Croix des Bois et la limite entre le Bois du Chambon, à droite, presqu’exclusivement constitué de hêtres, et une horrible plantation de résineux, à gauche.
Le sol est très riche en silex, que les verriers broyaient afin d’obtenir un sable siliceux qui constituait la matière première de leur petite industrie.
Le village des Chambons, sur le cadastre de 1846. Chacune des deux maisons était divisée en plusieurs logements, probablement constitués d’une pièce unique, voire deux, où s’entassait la famille. Les travaux des champs, l’exploitation de bois de chauffage et la confection de charbon de bois devaient être les principales activités des dernières générations d'habitants, mais les Chambons ont aussi hébergé une verrerie dont les maîtres furent vers 1630 Charles des Paillards et son beau-frère Honoré de Borniol.
Seuls quelques tas de pierres et de vieux arbres fruitiers noyés dans les taillis témoignent de la présence de la vie aux Chambons.
Le Berry n’a pas le monopole des plesses, comme celles qui bordent ce très beau chemin en forte pente descendant vers Giverdy.
Ici, ce sont des hêtres qui ont été, avant la généralisation des clôtures en barbelés, palissés pour enclore les prés.
Faute d’entretien, il ne reste que les grosses branches.
En plus de la silice obtenue en broyant les silex locaux, la fabrication du verre nécessite d’autres matières premières, dont la potasse. Elle était ici obtenue à partir de cendres de fougères. Le combustible était bien entendu le bois.
Tout en bas, le village de Giverdy.
Cité par Buhot de Kersers comme verrier à Ivoy le Pré (Cher), Jean Sauvage dit Ponnard est né vers 1400. Ses fils Etienne et Louis sont cités comme verriers aux Fours-Philippe (aujourd’hui déformé en Fort-Philippe), toujours sur la commune d’Ivoy le Pré, en 1459. Quatre générations de Ponnard se succèderont sur ce site.
Le manoir de Giverdy aujourd’hui.
La profession de maître-verrier s’étant vue accorder au cours des siècles divers privilèges, on parle alors de gentilshommes-verriers, et nos Ponnard peuvent donc ajouter une particule à leur patronyme. Les De Ponnard prendront pied à Giverdy au milieu du 16ème siècle par le jeu de mariages avec la famille Des Paillards, également gentilshommes-verriers. Deux générations de Ponnard furent Sieurs de Giverdy en partie (en indivision). Notons que l’on retrouve sur ce secteur les mêmes techniques de fabrication du verre qu’à Ivoy le Pré, en raison d’un même sol composé de silex. Les Ponnard n’ont donc pas été dépaysés !
Peut-être Guyon et Jean de Ponnard se sont-ils réchauffés devant la belle cheminée de Giverdy au temps des Guerres de Religion ?
Les Ponnard n’ont hélas pas que brillé par leur savoir-faire. Le 20 décembre 1585, le Tribunal Présidial de Saint-Pierre-le Moutier condamne Artus de Ponnard, sieur des Crets (Cne de Vandenesse), agé de 43 ans, “à être brûlé sur une place publique de la ville de Nevers”. La sentence reposait sur l’accusation de meurtre à l’arquebuse d’un juge, fausse monnaie et vols divers. « Ladite sentence ayant reçu son exécution le mardi 24 décembre 1585 au lieu du marché des bestes de la ville de Nevers”.
Aujourd’hui restent les vaches Charolaises…
L’industrie verrière en Nivernais connut son heure de gloire du 16ème au 18ème siècles avec, notamment, les verres émaillés, mais les verreries nivernaises produisaient aussi des verres beaucoup plus courants, utilisés pour la vitrerie (petits carreaux) ou la table. Ces petites industries ont disparu du Nivernais aussi bien que du Berry dès le début du 19ème siècle.
Monsieur Dailland, actuel propriétaire de Giverdy m’ayant parlé d’une maison appelée le Champ Ponnard, je décide de l’inclure au circuit. Ici, le cadastre de 1846.
Ces quelques pierres sont tout ce qui en reste, et les bois et taillis ont colonisé les prés et champs au cours des années 1950 et 1960.
Ce hameau, déjà appelé Four Viel à la fin du 15ème siècle, appartint à la famille des Paillards, gentilshommes-verriers cités plus haut. Le voici en 1846. Seuls les bâtiments en violet subsistent aujourd'hui.
Niché au fond d’un vallon qui ne voit pas le soleil à cette période de l’année, il ne donne pas envie de s’attarder.
Devant ce bâtiment, une protection de tôle couvre un puits (flèche violette sur le plan cadastral) d’où s’échappe le bruit d'un ruisseau, mais qui devinerait que, à une dizaine de mètres sous terre…
... coule un ruisseau souterrain parcouru par des spéléologues sur la distance de 520 mètres ! C'est pour cela que ce puits est surnommé localement "le Puits qui Ronfle"
Quelques ouvrages téléchargeables pour celles et ceux qu’intéressent cette industrie du verre dans le Nivernais :
La verrerie du XIIe à la fin du XVe siècle