Aujourd’huy vingt et un Janvier Mil sept cent soixante sept, en notre hôtel et pardevant nous François Buchet Desforges Lieutenant de la Justice de Nancré, est comparue Magdeleine Boulet veuf de Jean Givers…
… servante domestique depuis le jour de St Jean Batiste dernier [24 Juin] de François Rat, manoeuvre, demeurant au village des Renards, Justice dudit Nancré paroisse de Jars.
Laquelle […] auroit été sous promesse de mariage, connue à deux différentes fois charnellement par Etienne Leget père, manoeuvre, demeurant au village du Moulin Michau paroisse de Boucard [aujourd’hui Le Noyer]…
… et notamment le 16 Aoust et huit Septembre, estant de la garde des bestiaux dudit Rat son maître dans la pièce de terre vulgairement appelée les Bruières de la Ramière. Des œuvres duquel Etienne Leget elle se trouve enceinte.
Laquelle déclaration […] nous lui avons enjoint de veiller à la conservation de son fruit et de se conformer lors de son accouchement audits édits et déclarations dont nous lui avons fait lecture, laquelle nous a promis faire par serment d’elle pris à cet égard, et a déclaré ne savoir signer
Signé
Meunier
Buchet Desforges
Gaudry
Une histoire certes pas unique, mais qu’on peut facilement replacer sur le terrain. Voici une carte, réalisée d’après les plans du Cadastre Napoléonien de 1833, figurant les divers lieux cités dans cet acte. On peut aisément retracer le chemin parcouru par Etienne Léger pour aller courtiser (et plus…) la belle Magdeleine.
Il a dû emprunter la passerelle sur la Sauldre,
juste au pied de la masure où il logeait…
… pour se rendre à la Bruyère de la Ramière.
Ici, les cultures ont remplacé les herbages où paissait le troupeau de François Rat.
Et voici l’acte original, que tout un chacun peut consulter aux Archives Départementales du Cher (cote B 4025). Cet acte ne précise pas l’âge des protagonistes. Le fait qu’Etienne Léger soit qualifié de « père » signifie qu’il a un fils portant le même prénom ; ce n’est donc plus un « jeunot ». Le fait qu’il ait promis le mariage à Magdeleine pour arriver à ses fins pourrait indiquer qu’il est veuf ; mais était-il sincère ?
Il se peut que François Rat, aussitôt qu’il aura eu connaissance de la « faute » commise par sa domestique, se soit empressé de la mettre à la porte. Sera-t-elle retournée dans quelque famille à elle pour accoucher ?
Les femmes faisaient souvent ce genre de déclaration devant le notaire ou le procureur de justice afin de la faire valoir auprès du géniteur, dans le but soit de se faire épouser, soit plus souvent d’obtenir une compensation financière.
Je n’ai pas trouvé trace de naissance au nom de Boulet ou Léger au printemps 1767, ni à Jars, ni à Boucard (paroisse dont relevait le Moulin Michau), ni même à Sancerre. L’enfant est-il né ? A-t-il vécu ? Si oui, où ? Autant de questions qui demeureront sans réponses.
On remarquera la nature du conseil préconisé par le Lieutenant de la Justice de Nancré. Mieux valait à la veuve Boulet de ne pas ajouter un péché à un autre…
Dans les archives des justices de l’Ancien régime, on trouve de nombreuses déclarations de ce type. Elles sont souvent suivies de demandes d’indemnisation, voire d’un accord entre les deux parties portant sur le versement d’une provision avant la naissance, et d’un capital à la naissance pour subvenir à l’éducation de l’enfant.