C’est suite à la récente découverte par une amie, au fond d’une boîte à chaussures, de clichés que je croyais hélas disparus à jamais, que ces souvenirs d’une époque heureuse et insouciante remontent à la surface… Nous étions en 1979-80, et le village fantôme de Pradines (commune de Clermont l’Hérault) était alors notre terrain de jeux. Baignade et pêche l’été ; balades l’hiver ; un monde merveilleux à moins d’une heure de route. Nous aimions tout particulièrement l’ambiance de ses quelques rues bordées de maisons construites avec le basalte qui abonde tout autour…
Pradines était desservi par une petite route se détachant de la Nationale 9, qui passait tout en bas, dans la vallée. Sur cette vue aérienne IGN de 1946, on voit bien la RN9 en bas à gauche, et Pradines (tout en haut à droite) au bout de sa petite route.
Plan de Pradines vers 1830.
Lors de la mise en eau du barrage du Salagou, destiné à assurer l’approvisionnement en eau de Clermont L’Hérault ainsi qu’à l’irrigation des cultures, en 1970, et après la déviation de la RN9, la vallée fut noyée. Ici, le pont d’accès (plus d’images ici)…
Pradines en 1970. Le niveau de l’eau « lèche » le bas du village à présent déserté par ses habitants expropriés, mais encore debout. On voit l’amorce de la route descendant dans la vallée. Je me souviens des bornes qui émergeaient encore de l’eau en 1979…
Jérôme, un marginal, était alors le seul habitant ; il s’était installé dans une maison abandonnée avec des moyens de fortune. On y accédait par un escalier extérieur…
Après lui avoir remis un « cubi » de vin rouge apporté en offrande, nous nous asseyions sur un vieux pneu de tracteur disposé à cet effet au milieu de son unique pièce. Il nous préparait alors un thé et nous tournions les verres pour essayer de trouver un endroit à peu près sain pour y poser nos lèvres…
Après avoir servi de décor, avec le village voisin de Celles promis au même destin mais toujours debout aujourd’hui, pour le tournage du film « Zone Rouge », Pradines fut rasé en 1986 pour dédouaner l’Etat (les ruines du village servaient d’abri à toute une « faune »), propriétaire du site, de toutes responsabilité en cas d’accident. Des scènes de cette démolition sont visibles dans le film lorsqu’on voit une pelleteuse en action. Peu auparavant, Jérôme avait été envoyé par l’administration dans un « mouroir », où il s’éteignit rapidement.
Il y a peu, ces quelques vestiges épargnés par le couperet de l’administration étaient encore visibles, mais il me semble que ces humbles témoins ont également disparu. Mes recherches sur l’histoire de Pradines m’ont amené à entrer en contact avec Michel, un personnage hors du commun qui m’a longuement raconté son enfance à Pradines ; c’est sur la page de son frère Antoine que Pradines est cité. Je ne désespère pas de le rencontrer un jour…
Aujourd’hui, maintenant que le décor, et hélas aussi certains de mes compagnons de route de cette époque révolue, ont disparu, restent ces somptueux paysages. Ici, le lac du Salagou, dans son écrin de ruffes (argiles consolidées rouge sang), fréquenté par une foule de gens qui ignorent tout de son histoire…