Au XIXème siècle, la métallurgie était une activité prospère dans le Berry, et particulièrement à Torteron, qui n’était au départ qu’un hameau de la commune de Patinges.
Vue des ruines de Torteron aujourd'hui. A droite, la base d'un haut-fourneau; à gauche, probablement des fours à chaux construits après la cessation de l'activité métallurgique.
Le développement de cette industrie a été rendu possible grâce à la présence de minerai riche, facilement accessible et en quantité suffisante ; de forêts étendues pour la fabrication du charbon de bois ; de rivières pour la production de l’énergie hydraulique nécessaire à l’action des soufflets, ainsi que pour le broyage et le lavage du minerai.
Minerai ramassé dans un champ à Sargues (commune de Menetou-Couture). Il est composé de grains de limonite et d'hématite disséminés dans une gangue argileuse ou calcaire, et constituait des poches ou strates.
1195 : premier « moulin à battre le fer » près de Fontmorigny. Il s’agissait certainement d’un bas-fourneau ou d’une forge.
1600 : un haut-fourneau est construit par les moines de Fontmorigny "dans les bois".
Torteron et ses environs, situant les mines, et les usines au XIXème siècle
1780 : le Berry produit 10% du fer national (environ 10.000t).
L'embranchement du canal St-Louis vu à son départ depuis le canal du Berry. Au second plan, à gauche, on devine le "crassier" où étaient entreposées les scories, mâchefers et autres sables de moulage usagés. Ces matériaux ont depuis été récupérés pour l'empierrement des routes.
1820 : Torteron comporte une forge, 6 maisons et 50 habitants. Fondation des usines de Fourchambault par Louis Boigues.
1824 : début de la mécanisation, avec l’installation d’une soufflerie à vapeur de 25 CV.
Le Canal St-Louis dans les emprises de l'usine, vers 1900. certains bâtiments indsutriels sont encore debouts,, probablement pour l'usage des fours à chaux.
La même vue aujourd'hui, prise depuis la route de Jouet...
1837-40 : ouverture du Canal de Berry, puis du Canal St-Louis, permettant l’utilisation du coke de Decize et St-Etienne à la place du charbon de bois. Construction d’un 3ème haut-fourneau fonctionnant au coke.
Vue d'artiste de l'usine vers 1840. Il semble que la disposition des bâtiments ne soit pas parfaite.
1838 : production de fonte 3000 T, dont 2000 T de moulages. La population de Torteron s’élève à 550 habitants. Intéressement du personnel à la qualité de la production par un système de primes.
1845 : début du coulage vertical des tuyaux pour la Ville de Paris, puis de Madrid. Marché important avec les rails de chemin de fer, coussinets, ponts ainsi que plaques tournantes (P-O & PLM).
Cette carte postale de 1900 environ montre au premier plan le canal St-Louis, avec trois péniches; à l'arrière, une partie de l'ancienne usine métallurgique. ces bâtiments sont encore debout aujourd'hui.
Vers 1850 Equipement des mines avec des machines à vapeur pour l’extraction et l’épuisement des mines (Léguilly, Andres, Les Billots, la Corne, Sargues, Le Coupoy, Mauregard). Construction d’un chemin de fer à voie métrique vers les mines.
Près de la route de Sargues à Menetou-Couture, se voient encore les traces du chemin de fer reliant les mines aux usines. La voie passait ici sur ce remblai.
1853 : fondation de la Sté Boigues-Rambourg. Développement de la production pour l’artillerie.
Cette "barre" abritait huit logement, chacun composés d'une grande pièce avec porte et fenêtre, plus un grenier au-dessus.
Organisation de Torteron selon le système paternaliste de l’époque, où l’entreprise prenait en charge le salarié depuis la naissance jusqu’à la mort : son logement, son éducation, sa vie religieuse, ses loisirs, sa santé. La Société aménage alors à ses frais :
- le village de St-Louis pour les mineurs, nommé d’après Louis Boigues.
- une d’une caisse de secours mutuel, financée par des cotisations salariales, et gérée par la Société
- 2 écoles (garçons & filles)
- une maison de soins médicaux tenue par des sœurs.
- un ouvroir (atelier de confection) pour les jeunes filles.
- un village avec de larges rues bordées d’arbres.
L'école de garçons, construite par la Sté Boigues-Rambourg. Elle sert aujourd'hui de salle paroissiale.
- une caisse d’épargne pour les économies des employés (placées à 5%)
- une boulangerie coopérative et magasins à bas prix.
- des jardins ouvriers, afin que ces derniers ne fréquentent plus les débits de boisson.
- l’église St-Louis
1851-66 : célébration de 100 mariages ; 452 naissances. L’usine compte alors plus de 800 salariés.
Plan de Torteron à l'époque de son apogée, montrant la disposition des bâtiments industriels et du village, avec ses différents équipements et services.
- début des années 1860 : dernières modernisations techniques de l’usine, qui connaîtra son apogée en 1868, avec une production de 22000 tonnes de fonte. Médaille d’or pour les fontes du Palais de l’Exposition Universelle.
Maisons du village de St-Louis, sur la route de Nérondes.
1878 : la mise au point d’un nouveau procédé permettant d’utiliser les minerais phosphoreux de Lorraine sonnera le glas des minerais du Berry, d’extraction coûteuse et en voie d’épuisement.
1879 : décision de fermeture du site de Torteron, alors qu’il ne reste que 350 salariés. Transfert de la production à Montluçon.
Le portail principal de l'usine est bien entendu fabriqué à partir du fer de la maison.
1882 (6 Mai) : dernière coulée. Les installations seront démolies, le site servant jusque vers 1925 pour les fours à chaux (Sté Jeanrot).
La production de fer se poursuivra dans les hauts-fourneaux de l’usine de Mazières (Bourges) jusque vers 1910, puis ce fut la fin de cette industrie dans notre région.
L'église de Torteron fut consacrée en 1858 et dédiée à St-Louis... parce que le père du Patron se nommait Louis!
L'Entreprise veillait sur tout, y compris la vie spirituelle de ses salariés...