Le Donjon au XIXème siècle. Au second plan, les restes du Portail du Château, puis l'église.
A moins de 15 kms de Cosne sur Loire, en allant sur St-Amand en Puisaye, se cache un site d’une richesse exceptionnelle, pourtant ignoré de presque tous. L’automobiliste de passage n’en devinera même rien, surtout l’été, en raison de l’épaisse végétation masquant murailles et tours.
Plan de St-Verain aujourd'hui.
En rouge, les portions de l'enceinte et les bâtiments subsistants.
En vert, les éléments architecturaux disparus.
Les fossés, en bleu clair, ont toujours été secs.
Autrefois appelé Rond le Fort, l’appellation de St-Verain vient de ce que les reliques du saint (Vérain ou Véran), évêque de Cavaillon, transitèrent par le village au cours de leur voyage qui les conduisit à Jargeau (Loiret) à la fin du IXème siècle. Une petite partie y furent alors déposées. Aujourd'hui, un reliquaire en laiton doré conservé dans l'église contient un morceau de sa calotte crânienne.
L'enceinte extérieure, vue côté Est, seul endroit où elle ait conservé son parement.
C'est à cet endroit, entre les Portes de l'Etang et d'Alligny, qu'elle est la mieux conservée.
Les Seigneurs de St-Verain, vassaux directs de l’évêque d’Auxerre, furent parmi les plus puissants de la région du XIème au XIVème siècle. A leur apogée au milieu du XIIIème siècle, ils détenaient 179 fiefs allant d’Auxerre à St-Benin d’Azy. C’est de cette époque que datent les principaux bâtiments : donjon, enceintes, château, église, chapelle, etc… L’existence d’une Maison de Change, où le visiteur pouvait échanger les monnaies battues dans les environs contre celle qui avait cours à St-Vérain, témoigne de l’importance économique du lieu !
Cette maison est le seul édifice ancien bien conservé du village.
Son origine remonte vraisemblablement aux XIV ou XVème siècles, et elle a été remaniée depuis.
Il s'agit de la maison de l'Intendant des Comtes de Nevers.
La Maison de Change, aujourd'hui disparue, occupait le coin de la rue, juste sur la droite du photographe.
La région fut ravagée à plusieurs reprises par les Anglais lors de la Guerre de Cent Ans, avant que St-Vérain ne soit prise en 1434 par Perrinet Gressard, allié des Anglais et des Bourguignons, qui tenait déjà entre autres La Charité, La Motte-Josserand et Passy les Tours. Le coup de grâce à la puissance de St-Vérain fut donné avec son partage à la fin du XVème siècle ; les Comtes de Nevers héritèrent alors d’une grande partie des terres et de la place-forte.
L'église date de la fin du XIIème siècle.
Elle faisait jadis partie d'un ensemble prieural, dont seul subsiste aujourd'hui le bâtiment visible à droite. Fortement remanié, il possède encore quelques éléments d'architecture très anciens.
Le saccage de St-Vérain par les troupes du Prince de Condé (fin XVIème siècle), l’incendie de 1603, le désintérêt des propriétaires qui n’y résidaient plus, puis les exactions des révolutionnaires eurent raison des fortifications. Les pierres taillées des parements furent, comme partout, récupérées par les habitants pour construire ou réparer leurs maisons. Plusieurs maisons du village sont manifestement construites ainsi.
Cette maison, très dénaturée, possède encore des tableaux de fenêtres chanfreinés qui semblent indiquer une construction XVIème ou XVIIème siècle, à moins qu'il ne s'agisse plus vraisemblablement d'éléments de réemploi.
Vue d'ensemble de St-Verain, d'après une gravure de Jean Georges. L'absence de la Grange aux Dîmes, peut-être alors déjà détruite, ainsi que l'abondance de la végétation laissent planer le doute quant à la date à laquelle situer cette gravure. Son auteur la situe "au Moyen-Age", mais l'incendie de 1603 ne serait-il pas déjà passé par là?
La Porte de Cosne, jadis appelée Portail du Vieux Château.
Il faut l'imaginer couronnée de deux étages, et mui de deux lourdes portes, ainsi que d'une herse.
La première enceinte, dite du village, renferme l’église et son prieuré (fin XIIème siècle), la Grange aux Dîmes, la maison de Change, l’Hôtel-Dieu (hôpital), les Halles et le Gibet.
La Tour des Colons est une des mieux conservées de l'enceinte extérieure.
Elle n'a gardé malheureusement que trois rangs de son parement d'origine en pierres de taille.
Passée la Porte de Cosne, autrefois appelée le portail du Vieux Château, on accède au « Vieux Château », sans qu’on sache à quoi correspond cette dénomination. Faisant probablement office de basse-cour, on devait y trouver les différents corps de métiers indispensables au seigneur ainsi que, vraisemblablement, la Maison de Justice, où se tenaient les procès relevant du baillage du Seigneur.
La Tour Carrée est située près de l'église.
Seule de cette disposition, elle est aujourd'hui totalement masquée par la végétation.
Le Portail du Donjon donnait alors accès à la Cour du Château, regroupant, outre ce dernier datant du XIIIème siècle et qui était habité par les Seigneurs pour qui le Donjon n’était qu’un refuge en cas de danger, les écuries, la garnison, et les logements du personnel de service du Seigneur.
L'actuelle route de St-Amand a été percée au XIXème siècle.
Auparavant, elle se détachait de l'actuelle route de La Celle, à l'extérieur du village, dont elle sortait par la Porte d'Auxerre.
De cette porte du XIIIème siècle, il reste ce petit bâtiment
S’y élevait aussi la Chapelle Seigneuriale, dans laquelle étaient conservées au Moyen-Age les reliques de St-Vérain. Détruite en 1576 par les reîtres, reconstruite en 1628, elle fut démolie vers 1825, et ses matériaux servirent à réparer l’église paroissiale.
Le Donjon était construit au point le plus haut de l’ensemble ; il consistait en une Grosse Tour entourée de murs et de 5 autres tours.
Celle du premier plan est appelée la Tour du Puits.
Les murs de la Grosse Tour du Donjon étaient renforcés par un chaînage composé de poutres en chêne. L'emplacement des poutres (disparues suite à leur pourrissement) est très visible.
La Tour du Puits, la seule dont il reste des vestiges appréciables, est nommée ainsi en raison du « puits », en fait un regard sur une grande citerne aménagée sous le Donjon. Elle captait l’eau de sources proches qui, aujourd’hui, se déversent dans les fossés.
Les fossés, vus ici à l'Ouest. sont parfois profonds de plus de 10 mètres. Ils étaient secs.
L'eau accumulée au niveau du Donjon provient d'une source alimentant jadis la citerne aménagée sous la Tour du Puits.
Un tel ensemble, même à l’état de ruines, mériterait mieux que l’abandon. Il est pourtant classé depuis longtemps, ce qui lui a au moins permis de ne pas être rasé. Le fait qu'à part l'ensemble du Donjon, tous les vestiges soient morcelés sur des dizaines de propriétés privées rend pratiquement impossible toute opération d'envergure. Il faudrait alors exproprier pratiquement tous les habitants de St-Verain!
Les informations historiques proviennent de l'ouvrage "la Cité féodale de St-Verain au Moyen-Age", par Rémy Fouchard.