Après 36 ans à Veaugues, direction Le Noyer pour vous faire découvrir son cadre, son histoire, et aussi quelques billets d'humeur...
Il y a quelque temps, je vous avais conté le périple que constituait un voyage en train de Cosne au Noyer en 1941. Intéressons-nous aujourd’hui de plus près à l’ancienne gare de Jars – Le Noyer, sise à mi-chemin entre les deux villages, et qui était exploitée par la Société Générale des Chemins de Fer Economiques (plus connue sous le nom SE).
J’ai par ailleurs consacré plusieurs articles à ce petit train, surnommé le Tacot, et qui relia La Guerche sur l’Aubois à Argent sur Sauldre de 1907 à 1948. Qu’il s’agisse de ses gares comme celles de Sancergues, Veaugues, Neuvy deux Clochers ou Neuilly Moulin Jamet, mais aussi de ses acteurs directs comme Albert Pinson, hélas décédé depuis.
Si l’emprise de sa voie a été arasée sur une bonne partie du parcours, les gares sont toutes encore debout, et on connu des fortunes diverses au gré des besoins, des moyens et des goûts de leurs propriétaires. Celle de Jars–Le Noyer desservait les deux villages, mais est située sur le territoire de la commune du Noyer.
Cette vue aérienne de 1947 (IGN ; remonter le Temps) montre bien les installations à un an de la fermeture de la ligne. On distingue bien l’emplacement des trois voies et du bâtiment.
Cette carte postale des années 1910 ou 1920 montre un train arrivant de Veaugues. La voie était à l’écartement d’un mètre (contre 1,435 m pour les grandes lignes), ce qui interdisait la circulation des « Tacots » (et vice-versa) sur les grands réseaux. De plus, les mêmes trains assuraient en général à la fois les services voyageurs et marchandises, avec de fastidieux décrochages et raccrochages à chaque gare, qui allongeaient considérablement les temps de parcours.
Côté voies, rien n’a changé en 2022 ou presque, si ce n’est la disparition de ces dernières et des quais centraux; une porte coulissante a été récemment posée au pignon Nord, pour les besoins des services municipaux. Là aussi, on appréciera la qualité de la préservation. Les peupliers visibles il y a cent ans au fond ont cédé la place à des tilleuls, planté après la dépose des voies en 1951.
Les bâtiments étaient très standardisés avec, du moins au plus important : arrêt, halte, stations de 3ème, 2nde et 1ère classe, gare. Sur ce croquis (Archives Départementales du Cher, série 5S), la salle d’attente est à gauche, et la halle aux marchandises à droite, fermée par un rideau métallique.
Celle qui nous intéresse correspond à cette 3ème classe, mais avec une travée de plus pour les marchandises. Une horloge venait compléter l’équipement, côté quai. Sur cette vue, on peut se faire une idée des marchandises transportées ; ici des buses en béton et des piquets de clôture. S’y ajoutaient cailloux, ciment, bois, engrais, grains, bestiaux, charbon, etc…
Voici la grille tarifaire applicable aux marchandises en 1909. Le prix était calculé en fonction du poids et de la distance ; tout simplement, et qu’on envoie un petit colis ou un cheval.
Pour les voyageurs, on oubliait le poids, et ce tableau donne le prix des billets appliqué sur toute la ligne. Ainsi, pour aller de Jars-Le Noyer à Sancerre-Ville, il fallait compter 23 Francs de l’époque.
Dans les derniers moments de la ligne, en 1948, le tarif était de 1,95 Franc pour le même parcours.
Chaque établissement était bien entendu doté de commodités séparées pour les messieurs et les dames. Cette fois, le train partira en direction de Veaugues, et on voit en arrière-plan un wagon plat stationné. Un autre wagon du même type semble intercalé entre la locomotive et les deux voitures de voyageurs.
A cette époque, on ne se souciait pas des émissions de particules, fines ou pas, ni de l’empreinte-carbone. Le rendement d’une locomotive à vapeur se situait entre 5 et 10%. C’est-à-dire que, sur 100 kgs de charbon engloutis par la machine, au moins 90 étaient brûlés pour rien !
Je découvre sur cette carte, datant probablement des années 1920 si on se fie aux poteaux électriques, que la route rectiligne reliant Jars au Noyer était alors bordée d’arbres. Certains de ces arbres sont encore visibles sur la vue aérienne de 1947 ; ils ont été abattus en 1953. Le passage à niveau de la voie ferrée est dans le creux, et la gare sur la droite.
Et voici la même route, vue cette fois depuis le Noyer. Au fond, l’église de Jars, dont j’ai récemment parlé.
Cette vue aérienne de 2020 (IGN Géoportail), montre l’évolution du site. On voit toujours distinctement la gare, et la salle des fêtes sur sa gauche. Un étang a été recréé au fond du vallon de la Balance.
La commune du Noyer, qui est l’actuel propriétaire de la gare, a eu la bonne idée de la conserver dans son état d’origine. Le bâtiment du chef de gare et la salle d’attente constituent aujourd'hui un logement communal loué à un particulier, alors que la halle à marchandises sert de garage municipal. Un bel exemple de reconversion qui préserve ce modeste patrimoine historique. La voici en 2009.
En 2021, le seul changement notable est la pose d’une porte roulante sur le pignon de la halle aux marchandises, en place des portes battantes arrivées à bout de souffle. Une entorse vite pardonnée !
Direction Vailly, la voie a laissé place à un agréable chemin, qui peut aisément être intégré au tour complet de l’étang.
En prime, la vue sur Jars depuis la cour de la gare.